L’avènement de l’Intelligence Artificielle (IA) dans le domaine des chatbots et du marketing digital soulève d’importants enjeux juridiques liés aux droits de propriété intellectuelle. Les IA, telles que ChatGPT et Midjourney, se nourrissent de données pour leur apprentissage, des données qui peuvent englober des informations, des créations, des signes ou des inventions protégés par des droits de propriété intellectuelle. Cette situation pose la question cruciale de savoir si la collecte de données et leur intégration dans une IA constituent des actes de contrefaçon.
Les Défis des Deepfakes
Les IA sophistiquées sont désormais capables de reproduire des voix et des expressions faciales à partir d’un nombre restreint d’images et de fichiers audio, une pratique connue sous le nom de « deepfake« . L’utilisation de l’IA peut ainsi entraîner des violations des droits de propriété intellectuelle, des atteintes aux droits de la personnalité, voire des usurpations d’identité.
L’IA peut-elle être considérée comme un Auteur ?
En matière de droits d’auteur, la législation française protège les « œuvres de l’esprit » si elles sont « originales« . Cette originalité repose sur l’empreinte de la personnalité de l’auteur, résultant de choix libres et créatifs. Cependant, se pose la question de savoir si une IA peut être reconnue comme un auteur. En droit français, seules les personnes physiques peuvent prétendre à la qualité d’auteur, à l’exception des personnes morales dans le cas des œuvres collectives. Ainsi, une machine ou un logiciel ne peut pas être considérée comme l’auteur d’une œuvre au sens du Code de la propriété intellectuelle français, contrairement à la législation britannique qui adopte une approche différente.
Lorsque l’IA génère du contenu, il est souvent difficile d’attribuer l’originalité à l’utilisateur, car ce dernier n’a pas le contrôle sur les résultats produits par l’IA. En revanche, si l’utilisateur modifie ou retravaille le contenu généré par l’IA, il pourrait alors prétendre à la protection par un droit d’auteur, pour autant que l’œuvre réponde aux exigences d’originalité du Code de la propriété intellectuelle.
L’Évolution de la Législation sur les Droits d’Auteur et les IA
La directive 2019/790 permet la reproduction et l’extraction d’œuvres aux fins de la fouille des textes et de données, à condition que l’utilisation des œuvres ne soit pas expressément réservée par leurs titulaires de droits via un système d’ « opt out« . Cependant, ce système semble aujourd’hui insuffisant pour protéger les détenteurs de droits, car il est complexe de contrôler son respect par les IA.
Un autre texte, l’IA Act, est en cours de discussion au niveau européen. Ce projet de Règlement vise à encadrer l’usage et la commercialisation des intelligences artificielles au sein de l’UE. Approuvé par le Parlement européen en juin 2023, il devrait être adopté d’ici fin 2023 ou début 2024, avec une période d’application différée de 18 à 24 mois. L’IA Act prévoit notamment l’obligation pour les plateformes IA, spécialement conçues pour générer du contenu complexe tel que du texte, des images, du son et des vidéos, de fournir un « résumé suffisamment détaillé » de l’utilisation des données d’entraînement protégées par le droit d’auteur. Cette disposition soulève des interrogations quant à sa mise en pratique, notamment en ce qui concerne la citation des sources par les IA.
Les Droits d’Auteur en Cas de Contenu Généré par l’IA
En France, le droit d’auteur accorde à l’auteur d’une œuvre de l’esprit deux types de prérogatives :
- Des droits patrimoniaux liés à l’exploitation de l’œuvre (droit de reproduction et droit de représentation),
- Des droits moraux visant à protéger la personnalité de l’auteur (droit de paternité, droit au respect de l’œuvre, droit de divulgation et droit de retrait).
Pour prouver une violation des droits d’auteur concernant une œuvre ayant contribué à l’entraînement d’une IA, il faut démontrer que le résultat généré reproduit en totalité ou en partie les caractéristiques originales de cette œuvre. Cependant, dans la plupart des cas, cela s’avère difficile, car plus la quantité de données utilisées pour nourrir l’IA est importante, moins elle reproduira fidèlement l’œuvre originale.
Si l’œuvre générée par l’IA ressemble à une œuvre préexistante, les critères classiques de contrefaçon s’appliqueront, et toute œuvre dérivée d’une œuvre préexistante ne pourra être exploitée sans l’autorisation préalable de l’auteur de l’œuvre originale.
Recours Juridiques pour les Créateurs Lésés par l’IA
Les titulaires de droits d’auteur qui souhaitent agir contre l’utilisation non autorisée de leurs œuvres par l’IA font face à plusieurs défis. Ils doivent d’abord obtenir les preuves nécessaires pour soutenir leur action en justice, déterminer contre qui agir (l’utilisateur de l’IA ou la plateforme IA, si les conditions d’utilisation le permettent), et identifier la juridiction compétente.
Si ces obstacles sont surmontés et que la compétence du tribunal français est reconnue, le demandeur peut engager une action en contrefaçon pour demander l’interdiction de l’exploitation du contenu litigieux généré par l’IA, ainsi que des dommages-intérêts pour réparer son préjudice.
Recommandations pour les Entreprises Utilisant l’IA
Les entreprises qui utilisent l’IA pour générer du contenu doivent prendre des mesures préventives pour se conformer aux lois sur les droits d’auteur. Si elles développent leur propre IA, elles doivent s’assurer que les données et les images utilisées ne sont pas soumises à des restrictions de reproduction ou d’extraction aux fins de la fouille des textes et des données.
Pour celles qui utilisent des IA développées par des tiers, il est essentiel de bien comprendre les conditions générales d’utilisation des plateformes, en particulier en ce qui concerne la titularité des droits de propriété intellectuelle sur les contenus générés et la responsabilité de la plateforme. Il est également important de vérifier les licences octroyées à la plateforme pour la réutilisation des œuvres générées.
Enfin, être propriétaire des droits sur les œuvres générées par l’IA ne dispense pas de réaliser des analyses de liberté d’exploitation. Il est vivement recommandé de fournir des directives claires aux équipes marketing qui utilisent ces outils pour éviter tout litige lié aux droits d’auteur.
En conclusion, l’intersection entre les droits d’auteur et l’utilisation des IA soulève des questions complexes et en constante évolution. Les entreprises et les créateurs doivent être vigilants et prendre des mesures appropriées pour naviguer dans ce domaine juridique complexe tout en tirant pleinement parti des opportunités offertes par les IA génératives tant pour les chatbots que pour le marketing digital.
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